Extraits

Les SECRETS de Velline RÒLL

Les Secrets de Velline Roll
    Un peu avant la porte reliant le sous-sol à leur zone d’atterrissage, ils furent accueillis par un individu costaud au teint métissé. Il avait les bras musclés, croisés sur son large torse, et le dos appuyé contre le mur comme s’il attendait leur venue. Lorsqu’il les aperçut, il cracha le cure-dent qu’il avait coincé entre ses dents et afficha un sourire radieux et complètement sournois.

    — Tiens, tiens, Velline Ròll, ça fait un bail, chérie, s’exclama-t-il en pressant sa voûte plantaire contre le mur pour se redresser.

    — Riley. Quelle déception de te trouver ici, répondit Vel d’une voix qu’elle voulut indifférente, mais qui laissa tout de même échapper quelques accents de lassitude profonde.

    Elle posa inconsciemment une main sur la crosse de son pistolet tout en écartant légèrement les jambes pour s’assurer une prise plus solide en cas d’attaque.

   Cley s’était arrêté en voyant l’individu. Comme il marchait un peu en retrait par rapport à Vel, il espérait que le chef des contrebandiers du quartier Nord de Vraya ne l’avait pas remarqué. Il resta donc dans l’ombre, le paquet sur les bras, sans faire un bruit, laissant Velline gérer la situation.

    Riley s’était positionné en plein milieu de l’étroit passage, leur bloquant l’accès.

    — Qu’est-ce que transporte ton larbin, dis-moi ? lança-t-il en montrant Cleykt du menton.

    — Rien qui te regarde, Riley, alors dégage !

    L’homme à l’imposante stature avança d’un pas lourd, un sourire retors au coin des lèvres.

    — Tu sais bien qu’ici c’est mon territoire, chérie. Si quelqu’un marche sur mes platebandes sans autorisation, je le prends comme une offense personnelle et réclame compensation. Si je ne sanctionne pas les impudents, d’autres fripouilles dans ton genre risquent de se méprendre et de croire que le vieux Riley ne sait plus défendre ses intérêts (il fit un nouveau pas vers elle). C’est le business, chérie, tu ferais pareil, je me trompe ? Alors dis-moi, qu’as-tu dégoté de si intéressant pour que tu prennes le risque de revenir sur Okla ?

 

   La capitaine s’arrêta sous l’embrasure de la porte, sa longue tresse claquant contre son dos, lorsqu’elle découvrit l’hologramme allumé. Des créatures, depuis longtemps disparues, défilaient d’une manière irrégulière, en fonction de l’intérêt de celui qui tenait la télécommande. Cley, debout devant les images holographiques, tournait autour en observant attentivement les êtres qui apparaissaient dans des postures propres à leur espèce. Il avait sorti le programme des espèces éteintes de la planète Terre, disparues depuis si longtemps que la plupart des bipèdes d’aujourd’hui étaient incapables de les identifier.

   Apparut alors un long serpent aux anneaux couleurs bronze, roux et or, enroulé sur lui-même, tête relevée, sifflant une menace. L’instant suivant le long reptile bandait son corps, bondissant vers l’avant, gueule grande ouverte, dévoilant des crochets à venin effrayants. Cley toucha la commande et l’animal disparut, laissant la place au suivant. Un euchore gracile au pelage mordoré et aux noires cornes striées, bougeait nerveusement ses longues oreilles tout en tournant sur l’horizon ses yeux sombres. Puis il bondit, capricant joyeusement dans les airs comme si ses longues pattes délicates étaient montées sur ressorts.

   — Certains avancent que des espèces auraient été sauvées de l’extinction et transportées sur l’étoile d’Ormélia. Vous y croyez, capitaine ? Que cette étoile existe bel et bien et qu’elle abrite effectivement une vie rare et précieuse ? demanda Cley d’une voix songeuse tout en pressant la télécommande pour découvrir l’hologramme suivant, un jeune ocelot au pelage fauve et aux ocelles noirs, perché sur une branche et feulant en dévoilant une impressionnante rangée de dents.

   Velline sursauta, surprise que son second l’ait remarqué alors qu’il lui tournait le dos. Elle n’avait pourtant pas fait le moindre bruit, ayant depuis longtemps pris l’habitude de se déplacer furtivement, même lorsqu’elle était en sécurité. À la mention d’Ormélia, Vel toucha sa puce d’oreille, la gemme de blúme d’un opalescent vert. Elle ouvrit la bouche, ne sachant quoi répondre, mais avant qu’elle ne se soit décidée à parler, une vibration légère et caractéristique courut le long de son épiderme. La Flûte venait de quitter l’hyperespace, ce qui était totalement impromptu et de ce fait fort inquiétant. Elle leva la tête, croisa le regard intrigué de Cley, aussi dérouté qu’elle, et s’éloigna avec empressement pour rejoindre le pont principal.

 

« Elle détestait l’obéissance aveugle. Un minimum de discipline était inévitable et nécessaire lorsque l’on dirigeait un vaisseau et son équipage, mais Vel préférait les affronts réfléchis aux esquives fuyantes. »

 

« Dès que La Flûte quitta l’atmosphère, les mélodieuses notes qui l’accompagnaient depuis son décollage s’éteignirent. Un couloir d’hyperespace, constellé d’éclats jaune-orangé, se forma alors devant la nef, les avalant dès que le vaisseau s’y engouffra, disparaissant ainsi de l’espace d’Astúrites. »

 

« Après avoir vérifié les derniers réglages, Troy et Merly quittèrent leur siège, le pilotage automatique ayant pris le relais, et rejoignirent la cuisine. Ils y retrouvèrent les sœurs Brindille, deux chipies qui ne servaient pas à grand-chose à bord, sauf si vous vouliez manger ou vous faire soigner. Joyline et Carline adoraient découper des trucs, un tas de trucs, allant de la carotte aux navets, en passant par la goyave au pamplemousse, pour finir par un doigt ou une jambe à l’occasion. Elles avaient toujours un poignard planqué quelque part et malgré le nécessaire chirurgical de base – stérilement stocké dans la salle de soins – elles trouvaient toujours un prétexte justifiant l’utilisation d’une de leurs précieuses lames plutôt qu’un scalpel. »

 

« Ils s’échouèrent plus qu’ils n’atterrirent sur Fróll. La capitaine – qui n’avait pas attaché la sangle censée la maintenir sur son siège – se retrouva de nouveau à terre. Quant à Cley, toujours debout devant la console, trébucha sur le flanc lorsque le vaisseau heurta le sol couvert majoritairement de sable. La Flûte glissa sur la surface sablonneuse de Fróll tel un voilier déferlé sur une mer agitée. Le sable environnant se mua en d’impressionnantes lames mortelles, propulsant les grains dans toutes les directions, s’abattant sur la verrière comme pour engloutir l’appareil. »

 

« — Ce ne sont peut-être pas des cannibales, qui sait, avança Cley pour se rassurer lui-même. Peut-être ont-ils vu notre crash et viennent-ils nous secourir.

— Ouais, dans tes rêves, le railla Merl qui venait de débarquer.

Elle ouvrit la caisse d’armes à feu d’un coup sec, laissant retomber le couvercle sur le côté, et attrapa deux fusils à pompe qu’elle lança aux sœurs Brindille. Ces dernières les réceptionnèrent en levant le bras et les chargèrent avec une dextérité inouïe, tandis que Cleykt s’emparait de son fusil à canon scié. »

 

« La capitaine et son second, l’adrénaline au plus fort et le cœur cognant à tout rompre, réussirent de justesse à les arrêter avant qu’ils n’atteignent leur cache, vidant nerveusement leurs chargeurs sur les derniers anthropophages. »

 

« Cleykt talonnait sa capitaine en silence, le regard prudent et une main constamment sur le manche de sa lame courte, fixée à sa taille – se faufilant habilement dans les rues et ruelles bondées de bipèdes venant des quatre coins de la galaxie. Astúrites, Bròndales, lointains descendants de la Terre, Råyktus et d’autres races encore – plus ou moins représentées et fréquentables – couvraient les rues en une masse sombre et compacte, ne formant qu’un seul et même membre se déplaçant sur un flux régulier, tel le Basilic de la mythologie terrienne se mouvant gracilement entre les bâtiments. »

 

« Cley sortit de l’ombre pour que l’homme vît bien l’arme qu’il avait dégainée, sans pour autant se séparer de la caisse qu’il avait calée sous son bras libre. Le fusil à canon scié qu’il cachait dans son dos, sous son long manteau, se trouvait maintenant dans sa main et fixait, de son œil unique et froid, l’homme qui emprisonnait Velline. »

 

« En apercevant, au loin, son capitaine et son second courir, Troy présuma que les ennuis ne devaient pas être loin derrière.

— Hé, les chieuses, magnez-vous, faut qu’on décolle, cria-t-il en direction des sœurs Brindille qui, d’humeur badine, encadraient Glaise, l’acheteur de verilne.

— Va te faire foutre, Troy, répondirent-elles en cœur, trop occupées à flirter avec l’homme aux mains baladeuses pour comprendre l’urgence dans la voix du pilote.

— Maintenant ! hurla Troy à leur intention.

Cette fois-ci elles levèrent la tête en même temps, échangèrent un regard perplexe et quittèrent leur flagorneur après avoir déposé chacune, et en même temps, un rapide baiser sur les joues de Glaise, qui en sourit jusqu’aux oreilles. »

 

« …elle se souvenait encore de son cœur battant à tout rompre dans sa cage thoracique, de son ouïe subjuguée par la multitude de cris et de chants mélodieux que recelait la forêt devant elle, de l’air aux effluves envoûtants, aux parfums suaves, sucrés et sensuels qui émanaient de fleurs qu’elle n’avait encore jamais vues, d’herbes dont elle ignorait l’existence et d’arbres si grands qu’ils semblaient monter indéfiniment vers le ciel. »

 

Commentaires: 0